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Les différentes familles de modèles d'impact

Un modèle est une représentation simplifiée de la réalité que l'esprit humain construit pour mieux s'approprier cette réalité et "jouer avec". En cela il s'apparente au "modèle réduit" de voiture avec lequel un enfant joue. Aucun modèle n'est parfait, aucun modèle n'est supérieur à tous les autres, car le processus de simplification, qui est le cœur même de l'approche de modélisation, nécessite des choix, qui vont dépendre de l'aspect de la réalité que l'on souhaite le mieux représenter.

Il existe une grande diversité de modèles qui peuvent représenter la réponse d'un couvert forestier à un scénario de changement climatique, ou du moins un aspect de cette réponse. En effet, aucun d'entre eux ne peut prétendre prendre en compte l'ensemble des aspects de la question. Ils se distinguent les uns des autres par la façon dont ils ont été construits, qui est souvent liée à la discipline d'appartenance de leurs concepteurs initiaux, par la façon dont ils représentent la forêt, et par les réponses de cette forêt qu'ils sont capables de simuler.

 

L'approche de construction

Il existe deux philosophies, deux pôles autour desquels on peut regrouper l'ensemble des modèles :

  • Les uns se basent sur la mise en évidence d'un lien de corrélation entre le comportement du couvert et les facteurs de l'environnement, et notamment le climat, sans faire d'hypothèse sur ce qui sous-tend cette corrélation. On les appelle modèles phénoménologiques ou empiriques (c’est-à-dire basés sur l'observation de la réalité telle qu'elle se présente) ou encore modèles corrélatifs. Ces modèles faisant souvent appels à des approches statistiques, on parle aussi parfois de "modèles statistiques". 
  • Les autres se fondent sur des théories expliquant les processus de fonctionnement du couvert forestier, et détaillent la façon dont ces processus sont affectés par les variations de l'environnement. On les appelle modèles basés sur les processus. On parle parfois aussi de "modèles mécanistes".

Un exemple typique de modèle phénoménologique est un modèle qui établit une corrélation entre la répartition d'une espèce dans l'espace avec les variations dans cet espace des facteurs de l'environnement. Lorsque l'on dit "le hêtre nécessite 700 mm de précipitations" (ce qui n'est pas très juste), on établit un modèle phénoménologique rudimentaire. On peut établir de bien meilleurs modèles corrélatifs de la répartition du hêtre, dont vous pourrez avoir un aperçu par exemple avec cet article : Landmann et al. 2007.

Comme exemple de modèle basé sur les processus, nous pouvons évoquer les modèles qui reproduisent les différents processus physiologiques qui se déroulent au sein du couvert (respiration, photosynthèse, accumulation de carbone…) en fonction des variations du milieu (température, précipitations, humidité de l'air…). Pour avoir un aperçu d'un tel modèle écophysiologique, vous pourrez par exemple consulter la fiche de présentation suivante : Delpierre et al. 2015

 

Forces et faiblesses

Cette opposition des approches phénoménologiques et de celles basées sur les processus reste relative.

D'abord parce que toute approche basée sur les processus ne fait que repousser l'approche phénoménologique à une échelle plus fine : se décompose en relations élémentaires de nature phénoménologique, articulées dans une théorie.

Ensuite parce qu'il existe des modèles qui combinent des approches de modélisations différentes, dans une construction modulaire.

Les modèles du pôle empirique ont la force de leur simplicité. Ils ne requièrent pas de construction théorique préalable, dont le développement est souvent très coûteux.

Par contre, ils font implicitement deux hypothèses fortes :

  • H1. que l'état actuel du couvert reflète bien sa réponse au climat ;
  • H2. que le lien entre le comportement du couvert qu'ils étudient et les variables du climat va être conservé.

L'hypothèse H1. doit être discutée au cas par cas, en fonction de l'espèce et du domaine considéré.

L'exemple type de fragilité de l'hypothèse H2. est l'effet direct des évolutions de la concentration en CO2 sur la réponse des couverts au stress hydrique (Cheaib et al., 2012).

 

Représentations du couvert

La façon dont le couvert forestier est représenté par le modèle (les attributs du couvert dont il rend compte) peut être très différente d'un modèle à l'autre. Dans un modèle corrélatif de distribution, ce qui est représenté c'est un attribut de composition du couvert : une probabilité de présence d'une espèce en un point de l'espace. Dans certains modèles basés sur les processus, le couvert est représenté par un "arbre moyen". D'autres modèles vont représenter le couvert par une collection d'arbres décrite par la distribution de leurs caractéristiques (espèces, âges et diamètres par exemple, mais parfois aussi, certaines caractéristiques génétiques).

 

Réponses du couvert modélisées

Suivant la façon dont le couvert est représenté, le modèle va être capable de représenter tel ou tel aspects de la réponse du couvert. Par exemple un modèle corrélatif de répartition ne représentera que des attributs de composition potentielle (la probabilité de présence d'une essence donnée). Certains modèles vont permettre de simuler les évolutions de la croissance, d'autres (assez peu nombreux), les évolutions de la mortalité, d'autres enfin, les évolutions des paramètres génétiques de la population. Des modèles économiques enfin vont simuler par exemple l'évolution de la profitabilité d'un itinéraire.

 

Si deux modèles ne sont pas d'accord, qu'est-ce qu'on fait ?

Compte-tenu de toutes les différences évoquées ci-dessus, on imagine aisément que deux modèles très différents puissent, sur la base d'un même scénario de changement climatique, simuler des réponses de même nature, mais avec des résultats qui ont toute chance d'être assez différents !

La première chose à vérifier, c'est que la construction de ces modèles leur donne une certaine pertinence pour représenter la réponse considérée. Reprenons notre analogie avec le modèle réduit de voiture : un modèle qui reproduit très fidèlement les détails de l'aspect extérieur de la carrosserie sans se préoccuper des caractéristiques physiques (masse, densité, plasticité…) pourra être utile pour créer un effet spécial dans un film, mais inapproprié pour étudier le comportement du véhicule dans un choc.

Les modèles éventuellement non pertinents par rapport à la question posée ayant été écartés, il faut accepter l'écart des réponses et le voir comme une mesure empirique des incertitudes de notre capacité à prévoir les effets de ce scénario ! C'est d'ailleurs ainsi que le GIEC procède pour évaluer le degré de certitude des projections qu'il propose.

Ces différences sont aussi un excellent moyen de stimuler de nouvelles recherches.

 

Le positionnement du modèle IKS

Le modèle IKS procède par l'analyse de la distribution observée des essences, ce qui le rattache essentiellement au pôle phénoménologique. Cependant, il s'en éloigne un peu, dans la mesure où il ne procède pas par reproduction des corrélations entre présences de l'espèce et variables du climat, mais en analysant cette distribution en considérant trois facteurs limitants [renvoi à l'article de description d'IKS]. En cela, il introduit un aspect théorique (le principe que toute espèce a des besoins irréductibles en matière de chaleur ou d'énergie et d'alimentation en eau, et une résistance limitée au froid), qui l'écarte de la simple analyse des corrélations.

Présentation du modèle IKS