Limites du modèle IKS

Le modèle IKS permet de caractériser un climat à partir de ses trois indicateurs : DHYa, TMIa et SDJa. Via le calage de seuils à partir de données de présence des espèces, il permet également de modéliser leur aire de compatibilité climatique.

Ce modèle permet l'analyse des impacts potentiels de différents scénarios climatiques futurs, et constitue donc un outil d'aide à la décision dans le choix des essences en contexte de changement climatique.

Cependant, pour l'utiliser correctement et ne pas surinterpréter ses sorties, il est indispensable de bien en connaître ses limites

En résumé, pour les sorties IKS présentées dans ClimEssences :

  • IKS ne modélise que le climat, et de façon simplifiée. Il faut donc considérer en compléments tous les autres facteurs limitants, et en particulier les facteurs édaphiques, biotiques et abiotiques. 
  • Il faut rester à une échelle d'analyse compatible avec la maille kilométrique des modélisations, soit idéalement à l'échelle de grands massifs ou de la région forestière, et surtout pas à l'échelle de la parcelle.
  • Il ne faut pas interpréter trop littéralement les limites d'aire de compatibilité climatique, qui caractérisent plutôt le franchissement de certains niveaux de risques. 

La suite de cette page détaille les différentes limites du modèle IKS. 

 

IKS est un modèle purement climatique

IKS modélise exclusivement la compatibilité climatique. Les seules variables prises en compte sont les températures minimales, moyennes et maximales, les précipitations et la réserve utile maximale du sol.

Ainsi IKS ne tient pas compte de tous les autres facteurs pouvant impacter la présence des espèces, comme par exemple :

  • Le fertilité chimique des sols (acidité, calcaire actif, carences en éléments,...),
  • L'engorgement des sols,
  • Le tassement des sols,
  • Les risques biotiques (pathogènes, ravageurs, dégâts de gibier,...),
  • Les risques abiotiques (tempêtes, incendies,...),
  • Les impacts anthropiques (sylviculture, choix des espèces,...),
  • Les impacts climatiques non considérés par les indicateurs (par exemple les effets de chaleurs extrêmes autres que sur le bilan hydrique). 

Sous cet angle, IKS présente une vision plutôt optimiste, puisque il ne prend pas en compte de nombreux facteurs limitants. Il est donc important d'analyser ces autres facteurs en complément des sorties d'IKS dans la prise de décision.

 

Pas de prise en compte du micro-climat

Dans IKS, le climat est synthétisé par trois indicateurs, qui caractérisent les facteurs climatiques les plus critiques pour la présence des espèces.

Cependant, ces indicateurs fonctionnent comme des proxy d'impacts climatiques physiquement et biologiquement très complexes. 

La relative simplicité des indicateurs et l'utilisation de normales (moyennes sur 20 ans) mensuelles aboutissent à une prise en compte très simplifiée du climat.

Ainsi les effets micro-climatiques, comme par exemple les couloirs de gels, les effets topographiques très locaux ou les neiges lourdes ne sont pas modélisés par IKS.

La prise en compte d'une connaissance du contexte micro-climatique local en complément des sorties d'IKS, peut permettre de les relativiser favorablement ou défavorablement selon les cas.

 

Une prise en compte simplifiée de la réserve utile

Dans l'absolu, si nous disposions des données nécessaires, IKS pourrait prendre en compte une carte de réserve utile de grande précision.

Cependant, en particulier parce que les seuils des espèces sont calés à l'échelle européenne, les sorties présentées sur ce site valorisent une carte de réserve utile maximale à une maille kilométrique. 

De ce fait, l'indicateur DHYa d'IKS ne peut pas prendre en compte la structure détaillée des sols, ni leurs variations locales. Il n'est pas non plus en mesure de prendre en compte la profondeur d'enracinement réelle des arbres. 

De plus, du fait de la nature mensuelle et de la résolution kilométrique des données climatique utilisées, IKS ne modélise pas les échanges hydriques réels (drainage, transfert latéraux), et considère chaque point de l'espace indépendamment, négligeant ainsi les effets topographiques sur l'alimentation en eau

Pour ces raisons, il est préférable d'interpréter IKS à des échelles suffisamment étendues, et surtout pas pour comparer des situations parcellaires. 

 

Pas de prise en compte explicite des évènements extrêmes

Pour les sorties présentées sur ClimEssences, les indicateurs du modèle IKS sont calculés à partir de normales vingtenaires. Cela signifie que les données climatiques mensuelles prises en compte sont des moyennes sur 20 ans.

La conséquence de cela est que les indicateurs caractérisent un climat moyen. Les évènements extrêmes (canicules, chaleurs extrêmes, gros coups de gels) ne sont pas pris en compte explicitement.

Ils n'interviennent donc que très indirectement, via leur corrélation avec les variables moyennes. En effet, il y a un lien entre température maximale normale des mois d'été et la probabilité d'une canicule, ou entre occurrences de gels intenses et température minimale normale en hivers. 

Cependant si la relation entre l'occurrence et l'intensité de ces évènements et les normales évolue dans le climat futur, cela peut avoir des conséquences non prévisibles par le modèle. 

 

Des seuils calés à l'échelle européenne

Pour déterminer l'aire de compatibilité climatiques des espèces forestières, le modèle IKS croise deux sources de données :

  • Les indicateurs climatiques IKS,
  • Les points de présence des espèces issus des inventaires forestiers européens (à partir des données agrégées par EU-Forest). 

Ces deux sources de données sont à une résolution kilométrique sur l'ensemble de l'Europe. 

L'échelle européenne pour le calage des seuils permet de bien capter les limités des différents indicateurs IKS, et  de valoriser un maximum de données disponibles sur la présence des espèces. 

Mais la conséquence est que les aires de compatibilité climatique sont déterminées pour l'espèce dans son ensemble. En effet, les données des inventaires forestiers ne permettent pas de différencier les provenances. Cela tend à donner une vision plutôt optimiste de l'aire de compatibilité, chaque limite d'aire (sèche, froide, chaleur) étant captée dans les zones où les populations locales sont relativement adaptées à ces conditions a priori extrêmes. 

Par ailleurs, l'échelle kilométrique des données (climat et présence de l'espèce) crée une certaine imprécision sur le calcul des indicateurs. Les indicateurs ne caractérisent pas exactement les conditions à l'emplacement précis des relevés d'inventaires correspondants, mais plutôt le climat moyen de la zone alentour. De ce fait, des variations locales micro-climatiques ou de la réserve utile peuvent conduire à une imprécision sur la correspondance indicateurs - présence de l'espèce. 

Un exemple extrême de cette difficulté correspond aux essences ripicoles (espèces très majoritairement inféodées aux bordures de cours d'eau). Dans ce cas l'indicateur DHYa n'est pas en mesure de prendre en compte le fait que les arbres ont accès à une source permanente ou quasi-permanente d'eau, aboutissant à une estimation d'un seuil beaucoup trop optimiste (tolérance à la sécheresse) par rapport à la réalité sur le terrain où la présence de l'espèce est constatée. Pour cette raison, les essences ripicoles (en majorité des saules, aulnes et peupliers) ne sont pas proposées sur ClimEssences pour les modélisations IKS. 

Enfin, il existe d'autres effets de moins grande ampleur qui impactent le calage des seuils. Pour cette raison, les seuils sont calés de façon à n'inclure que 97,5 %, et non 100 %, l'idée étant d'éliminer les valeurs les plus extrêmes, valeurs ayant de fortes probabilités de correspondre à des incohérences entre réalité de terrain et indicateurs calculés à l'échelle kilométrique. 

 

IKS est un modèle corrélatif

La logique est de projeter dans des scénarios futurs, la relation constatée entre présence de l'espèce et indicateurs IKS dans le climat actuel

L’hypothèse est que cette relation est stable dans le temps. Par exemple, cela ne permet pas de prendre en compte les impacts de l'augmentation de la concentration de CO2 sur la photosynthèse. Les conséquences de ce type d'effet sur la capacité d'adaptation de l'espèce à un changement de climat sont complexes et incertaines. 

De plus, l'aire de présence observée n’est pas l’aire de présence potentielle (qu'elle sous-estime par construction). En effet, les présences effectives sont limitées par les autres facteurs, comme le sol, la gestion,… De même la structure géographique du climat ne permet pas d’observer toutes les combinaisons de facteurs.

Ensuite, les indicateurs IKS ne modélisent pas explicitement la biologie des arbres. Même s’ils sont choisis en fonction des principaux facteurs limitants, l'approche ne propose qu'une caractérisation simplifiée des impacts du climat. 

Enfin, le modèle caractérise l'aire sur la base des points de présence de l'espèce, quelque soit son niveau de croissance ou son état sanitaire, tant que les arbres observés sont vivants. Il ne prend pas en compte le niveau de productivité des peuplements. Les limites obtenues à l'aide des seuils IKS sont de ce point de vue optimistes. L'aire de compatibilité est plus étendue que l'aire où l'espèce permet une croissance compatible avec des enjeux de production.